Conformer ses entretiens professionnels à la loi Avenir

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Rendu obligatoire depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle et successivement aménagé par diverses réformes et ordonnances, l’entretien professionnel se concentre sur la carrière du collaborateur. 

L’entretien professionnel permet à l’entreprise d’auditer et de mapper les compétences disponibles, et au collaborateur de manifester ses aspirations et ses souhaits d’évolution.

Voyons comment concevoir, mettre en place et optimiser la gestion de ce type d’entretiens dans son entreprise qu’il soit mené par le manager ou la DRH. 

Loi et entretien professionnel
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Sommaire de l'article

Comprendre les enjeux de l’entretien professionnel

En 2019, le rapport de l’OCDE dédié à la formation professionnelle montrait le retard de la France en la matière, confirmant la nécessité de moderniser le système de formation. L’étude a notamment montré que la moitié des 32 % des adultes ayant reçu une formation liée au travail en 2018, n’en avaient pas été du tout satisfaits.

La mise en place de la réforme de l’entretien professionnel résulte de ce constat et vient responsabiliser les entreprises dans la montée en compétences de leurs salariés. Au-delà de son devoir d’employabilité, l’entreprise devient désormais facilitatrice et actrice de la formation de ses collaborateurs.

Entretien professionnel : que dit la loi ?

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a imposé la tenue d’un entretien dédié à l’évolution de la carrière des salariés tous les deux ans. Un bilan doit être également organisé au bout de 6 ans d’ancienneté.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (dite Loi Avenir) est venue en aménager le dispositif pour les entreprises.

Les recommandations d'un avocat

Louis van Gaver, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Fromont Briens, partage les bonnes pratiques pour rester en conformité avec la loi.

Que vient changer la Loi Avenir professionnel sur la question de l’entretien professionnel ?

La Loi avenir professionnel ne remet pas en cause tout ce qui a été créé auparavant mais en  aménage le dispositif. L’entretien professionnel peut désormais être anticipé dans le cadre d’une reprise de poste, à la suite par exemple d’un congé maternité ou d’un arrêt longue maladie.

La seconde modification porte sur l’entretien de bilan (ou entretien récapitulatif) qui doit toujours être réalisé tous les 6 ans mais qui n’a plus exactement le même objet qu’auparavant. Il va aujourd’hui un peu plus loin que les entretiens professionnels, en dressant un véritable état des lieux de tout ce qui a été mis en place pour favoriser l’évolution professionnelle du salarié sur les six dernières années.

Il faut à la fois :

  • faire le bilan de l’évolution du salarié, en matière de : progression salariale et professionnelle, de formation, et d’acquisition d’éléments de certification,
  • vérifier que le collaborateur a bénéficié d’entretiens professionnels,
  • s’assurer qu’au moins une action de formation non obligatoire a bien été réalisée par le salarié.

C’est une véritable opportunité pour l’employeur de traiter cette question en profondeur avec le salarié.  C’est aussi et surtout la possibilité de pouvoir prévoir, soit par accord d’entreprise soit par accord de branche, un aménagement de ce dispositif pour l’adapter aux spécificités de l’entreprise ou du secteur d’activité.

Cela peut se traduire par la modification de la périodicité, des objectifs même de l’entretien ou encore des conditions d’abondement au compte personnel de formation des salariés. Prenons l’exemple d’une entreprise avec un turn-over important, on peut imaginer réduire la temporalité des entretiens et les faire tous les ans, plutôt que tous les 2 ans, pour rendre effective cette disposition.

Des entreprises ont également fait le choix de tenir ces entretiens tous les ans, de manière à s’aligner sur le rythme des entretiens d’évaluation. D’autres ont estimé qu’un entretien professionnel obligatoire tous les trois ans suffisait, tout en permettant la tenue d’un entretien  supplémentaire si les collaborateurs en exprimaient le besoin.

Qu’est-ce que l’employeur risque s’il ne fait pas d’entretien professionnel dans son entreprise ?

Depuis le vote de la Loi Avenir professionnel, l’employeur est sanctionné si sur une période de 6 ans consécutifs le salarié n’a pas bénéficié :

  • d’un entretien professionnel tous les 2 ans et lors d’un retour suite à une longue absence (congé sabbatique, congé parental…) ;
  • et d’au moins une action de formation non obligatoire.

L’ordonnance du 21 août 2019 a cependant mis en place une période transitoire. Concrètement, jusqu’au 31 septembre 2021, l’employeur peut justifier de ses obligations relatives à l’entretien professionnel et à l’état des lieux récapitulatif du salarié de deux manières différentes :

  • soit en appliquant la règle issue de la loi du 5 mars 2014 et en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et au moins deux des trois mesures suivantes : formation, acquisition d’éléments de certification et progression salariale ou professionnelle ;
  • soit en appliquant la règle issue de la loi du 5 septembre 2018 et en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et d’au moins une formation autre qu’une formation « obligatoire » .

La sanction est un abondement correctif à la charge de l’employeur au compte personnel de formation du salarié d’un montant de 3 000 euros, à verser à la Caisse des dépôts et consignations. L’employeur doit également adresser la liste des salariés concernés par ce manquement à son opérateur de compétences (OPCO). 

À défaut, en cas de contrôle par un agent de contrôle de l’inspection du travail ou un inspecteur de la formation professionnelle et après une phase de mise en demeure, l’employeur devra s’acquitter du double de cette somme auprès du Trésor Public. En pratique, cette sanction ne s’applique qu’aux entreprises de 50 salariés.

Au-delà de la sanction financière, le non-respect des dispositions en matière d’entretien professionnels peut fragiliser d’éventuels licenciements pour insuffisance professionnelle. En cas de contentieux relatif à un tel licenciement, l’absence d’entretien professionnel et d’actions de formation sera nécessairement mis en avant par le collaborateur pour contester son licenciement.

On peut aussi penser à d’autres risques, hors cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. L’employeur doit en effet assurer l’adaptation au poste de travail et le maintien de l’employabilité de ses salariés. Le non-respect des dispositions en matière d’entretien professionnel pourrait justifier une demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’adaptation au poste de travail et au maintien de l’employabilité, dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

Comment être en conformité avec la Loi ?

Tout d’abord, anticipez et menez à bien l’entretien de bilan à réaliser tous les 6 ans. Formalisez-le dans un outil fiable pour éviter tout risque de sanction.

La Loi est entrée en vigueur le 7 mars 2014, vous devrez réaliser l’entretien de bilan avant le 31 septembre 2021.

Si vous le pouvez, négociez avec les partenaires sociaux pour aménager l’entretien professionnel (par exemple dans le cadre d’un accord de Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels) et adaptez-le aux spécificités de votre entreprise. Vous pourrez ainsi mettre en avant les formations que vous souhaitez auprès de vos collaborateurs,  choisir la périodicité des entretiens, les objectifs de ces mêmes entretiens… 

L’entretien professionnel est une obligation légale… mais aussi une opportunité pour les entreprises

Pierre Monclos, DRH & expert en digital learning chez Unow rappelle qu’il faut dissocier l’entretien d’évaluation de l’entretien professionnel. L’objectif n’est pas de parler de la performance du salarié mais de prendre du recul sur son projet de carrière et les moyens dont il dispose pour y parvenir. Aussi faut-il savoir comment gérer cette obligation légale : déterminer les sujets à aborder lors de l’entretien professionnel, la population de l’effectif concernée, les formalités à respecter ou encore la périodicité de l’entretien.

Si les managers et les DRH assurent la réalisation de l’entretien professionnel, des acteurs de la formation professionnelle peuvent également intervenir. Les conseillers en évolution professionnelle comme l’APEC et les opérateurs de compétences (OPCO) proposent par exemple des ateliers pour préparer ce rendez-vous et mettent à disposition des trames d’entretien. Ils peuvent également aider les salariés et les dirigeants à définir leurs besoins et co-construire avec eux des plans de financement de formations. 

L’entretien professionnel contribue ainsi pleinement au développement de l’entreprise en devenant un vrai outil de fidélisation des salariés et de performance. 

Optimiser ses campagnes d’entretien professionnel

La bonne gestion des échéances, de l’historisation des formations et des entretiens passés, mais aussi du suivi de la rémunération est un facteur clé de la réussite des campagnes d’entretiens. Pour Cyrille Simminger, Directeur Opcalia Auvergne Rhône-Alpes : « les entreprises doivent s’organiser et s’équiper d’outils leur permettant d’identifier facilement les salariés concernés, de centraliser les formations suivies et les évolutions de rémunération, ou encore d’émettre des alertes automatiques sur les échéances d’entretien, etc. Ce type de solutions donne l’opportunité aux salariés et à leurs managers de préparer les entretiens dans de bonnes conditions et de se focaliser uniquement sur le contenu du rendez-vous. »

Utiliser un logiciel de gestion des entretiens professionnels pour s'assurer de respecter les obligations de la Loi Avenir

La mise en place d’un logiciel de gestion des entretiens professionnels permet de notifier automatiquement collaborateurs et managers tout au long du processus : réception de la trame, préparation de l’entretien, échéances à respecter, etc. Les comptes-rendus sont également centralisés et archivés pour le suivi des entretiens ainsi que pour de potentiels contrôles.

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