
Levier N°2
Un management par l’apprentissage
On ne quitte pas une entreprise, on quitte un manager.
Voilà un refrain repris par de nombreux experts et influenceurs en ressources humaines. À raison : nombreux sont ceux qui, au cours de leur carrière, se sont déjà sentis démotivés par un mauvais management plutôt qu’à l’entreprise elle-même. Pour 34% des salariés, un mauvais management est un facteur potentiel de départ. Mais si cette formulation résonne comme un beau slogan, elle est tout de même légèrement simpliste. Il peut vous être difficile de l’admettre, mais si de mauvais managers prospèrent en entreprise, c’est que leurs méthodes sont tolérées par leur organisation.
En tant que DRH, vous pouvez insuffler une culture managériale saine et accompagner vos managers vers des pratiques qui stimulent l’engagement. Dans ce cadre, deux principes méritent une attention particulière. Le premier est que le management ne s’improvise pas : à vous de choisir des leaders ayant une inclination naturelle à guider et faire grandir les autres. Le deuxième est que l’engagement des collaborateurs ne naît pas spontanément, il repose notamment sur leur motivation. Selon la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985), la motivation naît de trois moteurs fondamentaux : les besoins d’autonomie, de lien social et d’acquérir de nouvelles compétences. Les managers ayant un rôle clé à jouer dans l’apprentissage des collaborateurs, nous avons choisi de nous attarder sur ce dernier moteur dans ce guide et de vous partager trois bonnes pratiques managériales favorisant le développement de nouvelles capacités.
Sommaire
Encourager l’initiative
Le management traditionnel repose sur des principes de hiérarchie, de contrôle et de standardisation privilégiant l’efficacité et la conformité. Encore largement déployé au sein des entreprises, il est de plus en plus critiqué, voire même rejeté par les jeunes générations, pour son manque d’efficacité et son impact négatif sur la créativité et l’engagement des collaborateurs.
Pour Alexandre Imbeaux, directeur des produits de Talent Management chez Lucca, il faut se défaire du modèle « command and control » au profit d’un modèle favorisant la « course correction » : poser un cadre souple pour encourager l’initiative mais assez solide pour accompagner les collaborateurs sur la bonne trajectoire vers l’objectif fixé.

Concrètement, le manager fixe les orientations stratégiques puis ses collaborateurs suggèrent leurs objectifs opérationnels, en tenant compte de leurs compétences et de leurs envies. De cette manière, les collaborateurs sont libres de choisir les moyens à mettre en œuvre pour parvenir voire dépasser les résultats attendus. Cela leur permet de faire preuve de plus d’initiative et d’expérimenter de nouvelles approches. Le rôle du manager se recentre alors sur l’accompagnement et l’ajustement de la trajectoire de son équipe, plutôt que sur le contrôle permanent.
Certaines entreprises vont encore plus loin. C’est le cas de Clinitex, entreprise de nettoyage industriel de plus de 4000 collaborateurs, qui a fait le choix d’un management inspiré des principes Montessori (promis, il ne s’agit pas de refaire l’éducation des collaborateurs).
Édouard Pick, son PDG, a reçu une éducation Montessori. C’est donc tout naturellement qu’il a adopté le principe de sa créatrice, l’institutrice Maria Montessori : « aide-moi à apprendre par moi-même ». Ainsi chez Clinitex l’apprentissage passe par l’autonomie : les managers sont remplacés par des facilitateurs qui ne cherchent pas à obtenir la soumission des collaborateurs par le biais de récompenses extrinsèques. Le human plan a remplacé le business plan : les projets de l’entreprise sont ceux des collaborateurs et la recherche de croissance n’est pas une fin en soi. En conséquence, ce sont les collaborateurs qui choisissent leurs missions et même leurs critères de réussite. Ils prennent des décisions et choisissent les moyens matériels et humains à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Cette autonomie se traduit même dans l’organigramme de la société, puisqu’il n’y a que deux échelons de management entre le CEO et les agents de propreté. Le feedback n’est pas encouragé car il ne favorise pas la responsabilisation et la confiance en soi. C’est plutôt l’auto-feedback qui est pratiqué : « ai-je toutes les raisons d’être content ? ».
Puisque toutes les décisions sont publiques, le contrôle devient caduc : Édouard Pick est convaincu que la transparence prévient suffisamment de la tricherie. « Cela rend les gens intelligents » dit-il.
Contre toute attente, la non-recherche de croissance leur a permis de tripler leur chiffre d’affaires en l’espace de quatre ans. Et ce depuis qu’Édouard Pick a mis en place les projets “clean boost”, des ateliers pour aller chercher les moteurs profonds des collaborateurs (tests psychologiques sur les talents et les valeurs des collaborateurs, études graphologiques…) ainsi que des débats sur la manière de se montrer audacieux sur chaque poste. Les résultats furent au-delà de leurs attentes. Créations de postes, partage de rôles et missions…En alignant les forces et les appétences des collaborateurs avec les besoins de l’entreprise, Édouard Pick a stimulé l’agilité et l’innovation, a multiplié la productivité de son entreprise et a rendu ses collaborateurs heureux au travail avec un eNPS de 67.
Si le cas de l’entreprise Clinitex est particulièrement anticonformiste, vous aurez compris que la liberté d’entreprendre et l’autonomie sont la base d’un management engageant favorisant l’apprentissage et l’innovation. Voici quelques bonnes pratiques managériales à mettre en œuvre.
Découvrez quelques bonnes pratiques managériales à mettre en œuvre.
- Au moment de la fixation des objectifs :
- laisser les équipes proposer des objectifs opérationnels (alignés avec les objectifs stratégiques ou les valeurs de l’entreprise) ;
- organiser des ateliers pour faire émerger de nouvelles idées à intégrer à la roadmap.
- Durant les échanges managériaux :laisser le collaborateur tirer ses propres enseignementsavant de vouloir l’aiguiller : pratiquer l’écoute active, demander à reformuler si nécessaire et poser des questions ouvertes (remplacer le « Voilà ce que tu dois faire » par « Comment pourrais-tu t’y prendre ? »).
- Au cours des missions : donner le droit à l’erreur et accompagner ou former quand elle survient.
- identifier les compétences nécessaires pour atteindre les objectifs fixés afin de s’assurer que les membres de l’équipe soient en mesure de les atteindre (cet exercice permettra de déceler les besoins de formation) ;
- s’assurer que les objectifs proposés soient bien fixés et que les ressources nécessaires soient disponibles.
Répondre aux besoins individuels de formation
Il semble de prime abord bien plus simple de se contenter de fixer les priorités de formation selon une approche top-down (descendante) plutôt que de les construire selon une logique bottom up (en partant des besoins de formation des collaborateurs). Après tout, le service RH est à même d’identifier ces besoins en fonction des obligations et des objectifs stratégiques de l’entreprise.
Dans ce cadre, vous construisez souvent votre plan de formation annuel en vous basant sur le budget de l’année précédente et vous y ajoutez des actions de formation financées par votre OPCO ainsi que celles obligatoires. En pratique, on constate qu’il ne reste alors plus qu’une petite fraction à consacrer aux besoins exprimés par les collaborateurs. Certes, votre budget formation est maîtrisé, mais, soyons honnêtes, les formations proposées sont très génériques et peu adaptées à la réalité du terrain.
Pourtant, l’approche bottom-up est loin d’être une usine à gaz et contribue à améliorer votre performance : vos collaborateurs sont les mieux placés pour identifier les actions de formation qui feront la différence, en fonction de leurs missions et de leurs aspirations.
Le meilleur des mondes serait de répondre à la fois aux besoins individuels et collectifs : Le service RH liste les formations obligatoires et essentielles à l’exercice de l’activité de l’entreprise et les managers identifient ou collectent les besoins de leurs collaborateurs en fonction des objectifs fixés.
Voici trois conseils pour mettre en place l’approche bottom-up et répondre aux besoins du terrain de manière efficace et à moindre coût.
1. Instaurer un suivi de la performance régulier pour remonter les besoins de formation
Si l’entretien professionnel a pour objectif de déceler les besoins de vos collaborateurs, vous prendrez néanmoins difficilement le pouls de vos équipes en les consultant une fois tous les 2 ans. Chez Lucca, des entretiens trimestriels permettent au manager de déceler un problème de compétences et au salarié d’exprimer ses souhaits de formation.
2. Miser sur la formation interne
Afin de cibler au mieux les besoins au contexte de votre entreprise, chez Lucca nous sommes convaincus de la nécessité de faire levier de la formation interne. Cela tombe bien, puisqu’en collectant les besoins, vos managers sont à même de repérer et mobiliser des experts internes qui pourraient devenir formateurs. Autre avantage de la formation interne (et pas des moindres), elle vous permet de réaliser des économies : son coût se calcule essentiellement à partir du taux horaire du salaire du formateur, les frais annexes comme la location de matériel n’ayant que très peu de poids.
Boîte à outils au service de la formation interne
TMS vs LMS : à quoi servent-ils ?
Le training management system est un outil de gestion administrative de la formation. Il permet de centraliser les besoins de formation des collaborateurs depuis un catalogue de formation et de créer son plan de formation tout en suivant les coûts engagés afin d’anticiper les dépassements budgétaires et de prioriser les actions. Les experts internes identifiés peuvent à tout moment ajouter leurs formations au catalogue et gérer les demandes comme ils l’entendent.
Le learning management system est une plateforme d’hébergement de contenus en ligne. Les experts internes y créent des contenus répondant aux besoins identifiés en toute autonomie et accessibles à tout moment. Quant aux collaborateurs, ils peuvent y déclarer des besoins de formation et associer aux demandes un nom d’expert interne susceptible d’y répondre. L’apprentissage devient asynchrone.
3. Mettre en place le mentorat
Tout comme la formation interne, il a l’avantage de mieux cibler les attentes du terrain. Par ailleurs, l’apprentissage se fait de manière continue et personnalisée. Il requiert certes plus de temps au formateur, mais les résultats sont plus visibles.
Le mentorat consiste à créer des binômes solidaires permettant le partage de connaissances. Il répond à plusieurs enjeux : permettre aux plus juniors d’acquérir de l’expertise, former des membres sur une compétence spécifique détenue par un collaborateur, préparer une mobilité interne ou encore préparer la relève sur des postes stratégiques (avant un départ par exemple).
Redéfinir la fiche de poste comme un cadre évolutif
Depuis longtemps, le référentiel métiers est le cadre structurel de toute entreprise : il permet de définir les missions et les compétences attendues au sein de fiches de poste. Or, dans un marché du travail où les compétences deviennent rapidement obsolètes et où les salariés multiplient de plus en plus les rôles, cette approche commence à limiter la capacité d’adaptation des entreprises et à réduire l’engagement des collaborateurs.
Pour Hervé Estampes, co-président chez Graduate Conseil, cabinet de conseil opérationnel en stratégie compétences, il faut maintenant passer d’une job-based organization, centrée sur les métiers, à une skills-based organization, où l’accent est mis sur l’acquisition et la mobilisation des compétences. Plutôt que d’assigner un collaborateur à un poste rigide, les entreprises doivent co-construire avec lui un parcours évolutif, basé sur ses compétences actuelles et celles à acquérir en fonction de ses souhaits de carrière. Ce cadre flexible permet de concilier les besoins de l’entreprise et les attentes des salariés, en créant des opportunités d’évolution qui ont du sens. « Si l’on raisonne uniquement en termes de métiers, on risque de restreindre les possibilités de mobilité interne et de se retrouver en difficulté pour recruter », précise Hervé. « Si vous êtes sur une skills-based organization, vous allez peut-être choisir un collaborateur qui a fait du conseil RH pour un poste de DRH par exemple, pour impulser une nouvelle dynamique à l’équipe ».
Hervé Estampes nous livre 6 conseils pour se défaire de la fiche de poste et favoriser l’apprentissage de nouvelles compétences.
- Les salariés restent de moins en moins longtemps sur un même poste (18 mois s’il s’agit du premier emploi et 5 ans en moyenne). A l’embauche, prévoyez un accord d’évolution de carrière en plusieurs étapes et sur un cycle de 3 à 4 ans, en fonction des aspirations du nouvel arrivant et de ses possibles désirs de mobilité. Si votre collaborateur est toujours engagé à la fin de ce cycle, vous pourrez alors repartir sur un autre.
- Surveillez les évolutions des métiers (grâce aux observatoires de branche), identifiez les compétences et donc les formations qui seront nécessaires à votre équipe dans les mois à venir.
- Chaque année, faites le point sur les compétences acquises et à développer afin d’atteindre l’évolution de carrière fixée et de maintenir l’employabilité du collaborateur.
- Travaillez en binôme avec les managers afin de disposer d’un référentiel de compétences rationnel et à jour (5 à 7 compétences maximum lorsque les métiers d’une entreprise sont similaires, par exemple en ingénierie ou cabinet de conseil).
- Équipez-vous d’un outil de gestion des compétences pour faire ressortir les compétences nécessaires à l’instant T et à venir et les besoins en formation, en recrutement ou en mobilité.
- Ouvrez-vous aux profils qui n’ont pas forcément l’expérience sur le poste mais qui ont les compétences recherchées.
Hervé Estampes n’est pas le seul à revendiquer l’importance de se défaire de la fiche de poste. Vaughn Tan, professeur en stratégie à l’UCL (University College London’s School of Management) décrit dans son livre The Uncertainty Mindset le monde d’incertitude dans lequel nous vivons et qui doit amener les entreprises à créer les conditions favorables à l’apprentissage et à l’innovation. Pour ce faire, il encourage lui aussi à modifier régulièrement les rôles pour élargir les missions mais aussi à libérer 25 % du temps de travail pour faire de nouvelles choses, tester et montrer ce qui peut être pertinent pour l’entreprise.
Pour aller plus loin, découvrez trois leviers qui vous permettront de décloisonner les carrières et permettre à vos collaborateurs de vous projeter sur le long terme.
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