
Levier N°3
Miser sur le développement par les compétences
Sommaire
Proposer quelques formations suffit à garantir la fidélisation et la montée en compétences de mes collaborateurs.
Faux : la montée en compétences ne se limite pas à enchaîner des formations ponctuelles. Ce qui fidélise vraiment, c’est une démarche cohérente et continue de trajectoire professionnelle, qui offre aux collaborateurs des perspectives d’évolution concrètes.
Trop souvent, on réduit le développement des compétences à des actions isolées, déclenchées à la demande, sans réelle vision d’ensemble. Mais cette approche ponctuelle manque sa cible. Quand on sait que 94 % des collaborateurs resteraient plus longtemps dans leur entreprise si celle-ci investissait réellement dans leur évolution professionnelle, on comprend que le sujet dépasse de loin la simple formation.
Ce chiffre montre une chose très claire : la fidélisation passe par la capacité d’une entreprise à offrir des perspectives concrètes d’évolution. Pas juste des formations à la carte, mais une montée en compétences structurée, inscrite dans le temps, qui montre à chaque collaborateur qu’il peut apprendre, progresser et évoluer dans l’entreprise. Encore faut-il qu’il existe, au-delà de l’acquisition de compétences, de véritables opportunités pour les mettre à profit. Cela nécessite un environnement propice, avec de l’espace pour utiliser, mobiliser et faire grandir ses nouvelles compétences.
C’est dans ce contexte qu’émerge l’idée de réinventer notre vision du développement des talents à travers la skills-based organization. Plutôt que de seulement mettre l’accent sur les compétences décrites dans la fiche de poste s’inscrivant par définition dans un cadre limité, cette approche vise à miser sur la polycompétence des collaborateurs pour mieux aligner leurs capacités avec les besoins de l’entreprise, qui évoluent désormais rapidement. De fait, les opportunités d’évolution ne dépendent plus de la structure hiérarchique, mais de la capacité des collaborateurs à développer, valoriser et adapter leurs compétences au fil du temps, d’autant plus que la durée de vie moyenne d’une compétence est aujourd’hui estimée à deux ans selon l’OCDE, contre trente ans en 1987.
Ce changement de logique implique une révision complète de la manière dont nous percevons l’évaluation et le développement des compétences. C’est cette transformation que nous vous proposons d’explorer à travers une démarche en 3 étapes, pour faire de l’évaluation par les compétences un véritable levier de fidélisation.
Étape 1 - Poser un cadre clair grâce au référentiel de compétences
Trop souvent, les trajectoires professionnelles reposent sur la proactivité individuelle ou la sensibilité du manager. Résultat : des inégalités d’accès, une progression parfois aléatoire, un sentiment d’injustice et d’opacité chez certains collaborateurs et une utilisation inefficace du budget formation. Pour sortir de cette logique aléatoire, il est indispensable de définir un cadre commun.
Ce cadre repose sur la création d’un référentiel de compétences, qui sert de fondation à l’ensemble de la démarche. Il permettra non seulement de structurer les parcours professionnels, mais aussi de favoriser une vision dynamique de l’évolution : partir des métiers pour définir les compétences clés, tout en encourageant le développement de compétences transverses, au-delà de la technicité spécifique. Cela ouvre la voie à des passerelles plus larges et réduit les barrières à la mobilité. Il est aussi essentiel de suivre les évolutions du marché : dans le secteur technologique, par exemple, comprendre les bases de l’intelligence artificielle et des modèles de langage (LLM) devient indispensable pour rester compétitif.
Cette dynamique permet de :
- piloter les parcours,
- orienter les formations,
- connecter les talents aux opportunités internes.
« Un référentiel trop lourd peut devenir contre-productif. Un bon référentiel doit rester vivant, simple et orienté vers le terrain pour nourrir un dialogue de qualité.»
– Alexandre Imbeaux, expert Talent Management chez Lucca
Le référentiel : colonne vertébrale de la démarche
Véritable outil de pilotage, le référentiel vient enrichir les fiches de poste figées, en proposant une cartographie dynamique des compétences à mobiliser dans votre entreprise.
Il joue trois rôles majeurs :
- Transparence : rendre visibles les compétences attendues et les passerelles possibles ;
- Structuration RH : alimenter les entretiens, les plans de développement et favoriser les mobilités ;
- Alignement stratégique : relier les priorités de l’entreprise aux compétences du terrain.
Sa construction repose sur une logique de co-construction :
- avec les managers et les équipes opérationnelles, pour garantir la pertinence métier ;
- par famille de métiers, en intégrant à la fois des compétences techniques et transverses (communication, gestion de projet, etc.).
Mis à jour régulièrement, il devient un outil clé pour :
- identifier les écarts de compétences ;
- accompagner les collaborateurs ;
- prioriser les actions de développement.
Étape 2 - Utiliser l’entretien d’évaluation comme outil d’accompagnement
Une fois le référentiel de compétences posé, il devient possible d’engager une évaluation constructive. L’évaluation des compétences ne se limite pas à identifier les écarts : elle vise aussi à valoriser les forces, activer les potentiels inexploités et nourrir les trajectoires professionnelles. L’objectif est de transformer ces évaluations en actions concrètes.
Dans cette démarche, il ne s’agit pas seulement de faire un bilan des performances passées, mais bien d’évaluer les compétences à travers une grille commune, tout en prenant en compte les souhaits d’évolution personnelle et professionnelle.
Mais son véritable enjeu est plus large : il permet à chacun de mieux comprendre ses leviers de développement et de se projeter dans son parcours professionnel.
« Évaluer ce n’est pas juger, c’est orienter. L’entretien ne doit pas être perçu comme un verdict. Une bonne évaluation, c’est celle qui permet à chacun de mieux se situer et de se projeter dans une trajectoire claire.»
– Alexandre Imbeaux, expert Talent Management chez Lucca
Pour rendre cette dynamique encore plus efficace, il est essentiel d’instaurer un suivi régulier. Plutôt que de limiter l’accompagnement à un seul entretien annuel, il est préférable de réaliser plusieurs entretiens tout au long de l’année, permettant de déceler les besoins et les souhaits des collaborateurs de manière continue. Ces points d’étape réguliers permettent de mieux ajuster les actions, soutenir les efforts des collaborateurs et faciliter l’atteinte de leurs objectifs.
L’auto-évaluation vient compléter cette approche en impliquant le collaborateur dans sa propre progression. Croiser ce regard personnel avec celui du manager ouvre un véritable dialogue. Ce double regard permet de mieux comprendre où se situent les points d’appui comme les zones de progression.
Mais l’évaluation des compétences ne s’arrête pas au niveau individuel. Elle permet, tant d’un point de vue individuel que collectif, de prioriser les compétences à développer et donc les formations à mettre en place. À titre d’exemple, une équipe qui présente des lacunes sur un outil ou une compétence clé pourra voir des formations ciblées pour combler ces manques, afin de renforcer ses performances globales.
Exemple : cet engagement à long terme se retrouve chez Orange, qui a lancé un vaste programme de formation dans le cadre de son plan stratégique « Engage 2025 », avec un investissement de plus de 1,5 milliard d’euros pour accompagner la reconversion de 20 000 collaborateurs sur des compétences clés comme la cybersécurité, la data ou encore l’IA.
En résumé, les clés d’un entretien d’évaluation efficace sont :
- l’autoévaluation : impliquer le collaborateur dans sa propre progression ;
- l’orientation vers l’action : transformer l’évaluation en leviers concrets de développement ;
- le suivi régulier : rythmer l’accompagnement tout au long de l’année pour plus d’efficacité.
Étape 3 - Transformer les entretiens en actions concrètes
Les entretiens d’évaluation ne doivent pas se limiter à un simple bilan, mais être un véritable catalyseur pour définir des objectifs clairs et structurés reflétant les aspirations futures du collaborateur (management, expertise, etc.). Par exemple, pour une personne qui surperforme, l’objectif sera de prendre davantage de responsabilités, à explorer de nouvelles missions ou à se voir confier des projets de plus grande envergure.
À l’inverse, pour un collaborateur qui ne se trouve pas encore au niveau attendu, des objectifs spécifiques devront être fixés pour combler les écarts de compétences, avec un accompagnement ciblé, qu’il s’agisse de formations internes, externes ou de mentoring par exemple. L’essentiel est que chaque objectif soit conçu en lien direct avec la trajectoire envisagée, afin de donner à chaque collaborateur une vision claire de son avenir et des moyens pour y parvenir.
C’est également à ce stade que l’on peut détecter des opportunités de mobilité interne et encourager la transversalité. En effet, les parcours professionnels et le développement des compétences ne peuvent plus se limiter à une trajectoire linéaire. L’enjeu est de valoriser la polyvalence et l’agilité des collaborateurs mais aussi d’encourager et rendre visible dans les plans de développement les parcours non linéaires.
« La mobilité n’est pas un luxe, c’est une condition de survie pour l’entreprise. Les ressources humaines jouent un rôle clé dans l’animation de ces trajectoires transverses qui permettent à chacun de sortir de son périmètre d’origine et d’explorer de nouveaux territoires professionnels. »
– Alexandre Imbeaux, expert Talent Management chez Lucca
Pourquoi est-ce si crucial ? Parce que les compétences transverses ouvrent des portes à la fois pour le collaborateur et l’entreprise. Elles permettent de changer de rôle, de périmètre, voire même de métier.
Pour que cette évolution continue prenne forme, il est nécessaire de créer une culture de la mobilité et de l’évolution. C’est à dire centraliser les différents documents (référentiel de compétences, cartographie des parcours possibles, programme de mobilité interne, etc.) et impliquer les managers.
Exemple : chez Lucca, cette vision prend la forme de programmes immersifs, les “erasmus”, qui offrent aux collaborateurs l’opportunité d’explorer d’autres fonctions et départements au sein de l’organisation, tout en ayant la possibilité de revenir à leur poste initial.
Le choix entre former ou recruter est un enjeu stratégique pour les RH et dépend de la nature et de l’urgence des besoins.
Dans une logique de fidélisation, la formation est à privilégier, surtout lorsque les compétences nécessaires peuvent être développées en interne, que ce soit à court ou moyen terme. C’est une manière de montrer que vous êtes prêt à investir dans vos collaborateurs pour leur permettre de grandir.
Dans une organisation axée sur les compétences, la priorité reste de maximiser les talents internes avant de chercher à l’extérieur. Et pour réagir vite, conformément au marché, il faut pouvoir identifier en un clin d’œil les compétences existantes.
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